Ils m'énervent, tous ces bobos parisiens, avec leur bio attitude. Ils croient faire du bien à la planète, mais en réalité, ils font surtout du bien à leur corps. Encore que... ça rime à quoi de manger des produits bio à Paris, où les rues sont dégueulasses, où l'air est presque irrespirable, où on peut pas faire un pas dehors sans se prendre des relents de cigarette et de pisse alors qu'on n'a rien demandé ? Je suis sûre qu'avant d'arriver dans l'assiette, les produits bio sont déjà contaminés par la pollution ambiante.
Regardons-y de plus près : les produits bio, c'est quoi ? Ce sont des fruits, légumes, viande, oeufs etc, produits sans aucun pesticide ni engrais chimique. Attention, ça ne veut pas dire pour autant que les poules gambadent joyeusement dans le jardin. On peut très bien élever des poussins en batterie, dans un hangar éclairé au néon, à raison de 40 poussins au m², et pourtant, obtenir la certification bio parce qu'on n'utilise pas de produits chimiques. Même chose pour les fruits & légumes : une tomate labellisée bio n'a peut-être pas poussé sous le soleil du Midi, mais dans une serre surchauffée en Pologne (et ne parlons pas de son empreinte carbone pour arriver à Rungis). La tomate bio n'a donc pas forcément plus de goût qu'une tomate lambda !
Le problème principal du bio, c'est son rendement : sans pesticide, les fruits & légumes sont beaucoup plus sujets aux attaques de parasites, de champignons, aux maladies en général. Sans engrais chimique, ils ont une croissance modérée, pas assez rapide pour satisfaire aux lois du marché. Deux inconvénients : taux de mortalité élevée, productivité moindre. Donc les agriculteurs ont le choix de sacrifier une partie de leur production qui partira à la poubelle et de ne garder que les produits sains, ou d'embaucher des ouvriers pour faire à la main le travail des pesticides. Le choix est vite fait. Et ceci explique pourquoi les produits bio sont plus chers que les produits normaux : à surface agricole égale, l'agriculteur bio a moins de rendement que son voisin l'agriculteur classique, donc il a moins à vendre, donc il augmente ses prix.
Le bio est donc réservé à une élite, celle qui peut se le payer ; par ailleurs, si on imaginait de convertir toute le surfaces agricoles de la planète à l'agriculture biologique, on ne pourrait pas nourrir tout le monde !
Il ne faut pas oublier que c'est la découverte puis l'utilisation des pesticides et engrais chimiques, de concert avec la mécanisation de l'agriculture, qui a eu pour conséquence d'augmenter considérablement la productivité agricole à partir des années 50, ce qui a permis de faire face au baby-boom d'après-guerre et entraîné cette extraordinaire croissance de la population mondiale au XXème siècle.
Bien sûr, cette évolution de l'agriculture a eu des conséquences désastreuses : on utilisait dans les années 50-60 des produits chimiques à tour de bras, sans se douter que la terre a une capacité d'épuration limitée et que ces produits pouvaient détruire des écosystèmes... Mais faut-il renier ces progrès scientifiques pour autant ? Faut-il régresser, et revenir aux méthodes de production du moyen-âge ?
Non, je pense qu'il faut trouver un équilibre entre la satisfaction des besoins alimentaires de tout le monde et la préservation de l'environnement. Comme partout, la solution est une question de juste milieu... On a vite oublié l'agriculture raisonnée pour ne parler plus que du bio, mais pourtant, c'était ça la solution ! Apporter aux cultures et aux élevages uniquement la juste dose de pesticides et engrais pour éloigner les maladies, obtenir un rendement viable, et éviter les fuites de produits chimiques dans le sol.
Aujourd'hui, il est de bon ton de manger bio, mais il serait peut-être temps de penser aux conséquences...
Video : bande-annonce du documentaire "Notre pain quotidien" de Nikolaus Geyrhalter (2007), portant sur l'agriculture européenne moderne.